Responsabilité décennale de l'architecte chargé du « projet architectural »

Civil - Responsabilité
27/11/2019
Un architecte dont la mission est d’obtenir un permis de construire doit également s’assurer que le projet est réalisable en tenant compte des contraintes du sol.
Les faits. Une SCI fait construire un garage sur un terrain dont elle a elle-même réalisé le remblai. Interviennent dans cette opération le fournisseur des matériaux, le maître d’œuvre, l’architecte pour l’obtention du permis de construire, un expert pour l’étude des fondations et les artisans réalisant le dallage. À la suite de l’apparition d’un soulèvement du sol et de fissures sur le dallage, la SCI assigne les intervenants en réparation des désordres.
La responsabilité décennale de l’architecte est retenue et celui-ci est condamné in solidum avec le maître d’œuvre et l’expert en fondations à payer à la SCI la somme de 625 000 euros.

L’architecte se pourvoit en cassation. Se fondant sur l’article 1792 du Code civil, son argumentation est la suivante : l'architecte n'est responsable que dans les limites de la mission qui lui est confiée. Chargé seulement d’établir le dossier de permis de construire, il n'est pas tenu de réaliser des travaux de reconnaissance des sols ni d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur la nécessité d'en réaliser. Sa participation à l'opération de construction s'est limitée à l'établissement des dossiers de permis de construire et à la présentation de la demande de permis. Les désordres sont dus à la présence d'un remblai gonflant impropre à l'usage qui en a été fait et qui a été mis en œuvre par le maître d'ouvrage. Invoquant la violation de l’article 455 du Code de procédure civile, il ajoute que la pose du remblai était postérieure au dépôt du dossier de permis de construire, donc à l’achèvement de sa mission. Il ne pouvait donc être déclaré responsable.
 
La solution. Pour la Haute juridiction, la cour d’appel a retenu à bon droit que l’architecte, « auteur du projet architectural, devait proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol ». Ayant « constaté que la mauvaise qualité des remblais, mis en œuvre avant son intervention, était la cause exclusive des désordres compromettant la solidité de l’ouvrage », la cour en a exactement déduit que l’architecte engageait sa responsabilité décennale.
 
La Cour de cassation a déjà jugé que l’architecte chargé de l’établissement du « plan architectural » destiné à la délivrance du permis de construire doit s’enquérir de l’implantation du bâtiment, (Cass. 3e civ., 25 févr. 1998, n° 96-10.598, Bull. civ. III, n° 44), obligation d’ailleurs clairement posée à l’article 16 du Code de déontologie des architectes.

POUR EN SAVOIR PLUS, v. Le Lamy droit immobilier, n° 3513, Le Lamy droit de la responsabilité, n° 425-45 et s.
Source : Actualités du droit