Employée d’un maître tailleur : compétence judiciaire ou administrative ?

Public - Droit public général
Civil - Procédure civile et voies d'exécution
03/10/2019
Devant quelle juridiction contester un licenciement par un maître tailleur travaillant pour l'armée ? La relation de travail relève-t-elle des juridictions judiciaires ou administratives ? La Cour de cassation s’est prononcée.
Une femme, recrutée en tant que manutentionnaire d’un maître tailleur, est licenciée. La salariée saisit le juge prud’homal afin d’obtenir des indemnités pour rupture abusive de son contrat de travail. Estimant que la salariée était un agent de droit public, l’employeur soulève une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.
 
L’arrêt d’appel rejette l’exception en se fondant sur de multiples éléments de faits. Il souligne que la salariée avait contracté un contrat de droit privé sous la gestion, direction et discipline d’un maître tailleur. Sa rémunération provenait de son employeur privé et elle était affiliée, pour ses cotisations, à des organismes privés. Les juges du fond soulignent en outre le caractère industriel et commercial de l’activité de service public exercée par le maître tailleur. Partant, le litige relevait de la compétence de l’ordre judiciaire.
 
La Cour de cassation devait ainsi se prononcer sur une question de compétence.
 
La décision est rendue au visa de la grande loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
 
La première chambre civile estime qu’un maître tailleur est un agent de l’État de statut militaire, « il ne peut exercer son activité de confection d’effets destinés aux armées à titre privé ni employer lui-même, à cette fin, les agents qui travaillent dans son service, que ceux-ci sont des agents de l’État et que l’activité ainsi exercée est une activité de service public (CE, 5 nov. 2014, n° 364509 et 364518, Comité d’entreprise maître tailleur, ) ». En sus, l’employeur « était installé dans les locaux de l’armée, laquelle lui fournissait également le matériel, et tenu d’appliquer certaines prescriptions générales et particulières, fixées par l’administration pour l’exécution des travaux qui lui étaient confiés, ainsi que de respecter les dispositions réglementaires et techniques en matière de tenues et d’uniformes ». De ces considérations factuelles, il résulte que « l’activité exercée au sein de son atelier devait, eu égard à ses modalités de financement et d’organisation, être regardée comme un service public administratif, de sorte que Mme X avait la qualité d’agent de droit public, dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative ».
 
Il revient ainsi aux juridictions administratives de se prononcer sur l’affaire.
 
Une solution similaire avait été rendue par le Conseil d’État en 2014 (CE, 5 nov. 2014, n° 364509, Comité d’entreprise maître tailleur). La juridiction administrative avait considéré que les maîtres tailleurs étaient des agents de droit public. Il apparaît donc logique que l’employée d’un agent public, exerçant la même activité que lui, bénéficie du même statut.
 
Source : Actualités du droit