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Plus-value de cession de titres démembrés : le Conseil d’état tranche en faveur des nus propriétaires.

Civil - Personnes et famille/patrimoine
19/03/2018
Lors de la cession conjointe de l’usufruit et de la nue-propriété de titres démembrés, le Conseil d’état reconnait désormais au nu-propriétaire, lorsqu’il est le seul redevable de la plus-value globale réalisée, le droit de déduire les frais d’acquisition supportés par l’usufruitier).

Rédigé sous la direction de Diane BRUNET COURTOIS, Family Officer – laBienveillanceFinancière.fr.
En partenariat avec le Master 2 Droit du patrimoine professionnel (223), Université Paris-Dauphine.
 
Par acte de donation, des enfants ont reçu de leur père la nue-propriété de titres d’une société. L’usufruit de ces titres a, quant à lui, été donné à leur mère. Trois mois après la donation, nus propriétaires et usufruitier ont procédé à la cession des titres en pleine propriété, après s’être engagés à remployer le produit de cession dans l’acquisition d’un autre bien, sur lequel le démembrement serait reporté.
 
Pour le calcul de la plus-value imposable, les nus propriétaires ont alors déduit les frais qu’ils avaient eux-mêmes acquittés pour recevoir la nue-propriété des titres, mais également ceux que leur mère avait acquittés pour recevoir l’usufruit.
 
A la suite d’un contrôle fiscal, l’Administration a remis en cause la déduction des frais payés par l’usufruitière des titres en considérant que seuls les frais et taxes personnellement acquittés par le redevable de l’impôt pouvaient être pris en compte pour le calcul de la plus-value.
 
Le Conseil d’état, rejetant cet argument, décide alors que le nu-propriétaire, seul imposable sur la plus-value globale réalisée lors de la cession de titres démembrés (en cas de remploi), peut se prévaloir de l’ensemble des frais et taxes qui ont grevé l’acquisition, alors même qu’une partie de ces frais a été acquittée par l’usufruitier. Le nu-propriétaire étant redevable de l’impôt sur une assiette composée de la nue-propriété et de l’usufruit, son prix de revient doit donc également inclure les frais acquittés par l’usufruitier.
 
Définition du prix effectif d’acquisition
 
Aux termes de l’article 150-0 D du Code général des impôts « les gains nets de cession de valeurs mobilières sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci (…) ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ».
 
Le Conseil d’état affirme qu’en principe, le prix effectif d'acquisition mentionné à l'article 150-0 D du  Code général des impôts ne comprend que les frais et taxes acquittés par le cédant à l'occasion de l'acquisition du bien cédé́.
 
Il ajoute néanmoins que dans l’hypothèse, d’une part, où le cédant est le nu-propriétaire et, d’autre part, lorsque le prix de cession est remployé dans l’acquisition d’un autre bien sur lequel le démembrement est reporté, le prix effectif d’acquisition comprend l’ensemble des frais et taxes qui ont grevé l’acquisition, tant de la nue-propriété que de l’usufruit, alors même que ces frais ont été acquittés par l’usufruitier.
 
Dans ce cas, le cédant est en droit de se prévaloir des frais acquittés par l’usufruitier pour l’acquisition de son droit, lorsqu’il calcule la plus-value imposable à raison de laquelle il est seul susceptible d’être taxé.
 
Le Conseil d’état rend donc une solution favorable aux nus propriétaires : imposables sur la plus-value afférente non seulement à la nue-propriété, mais également sur celle afférente à l’usufruit, il semble cohérent que les nus propriétaires puissent déduire l’ensemble des frais et taxes qui ont grevé l’acquisition.
 
L’importance du sort du produit de cession de titres démembrés
 
Lors de la cession simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété de titres démembrés, l’instruction fiscale du 13 juin 2001 a défini les règles d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières.
 
Ainsi, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent décider d’une répartition du prix de vente entre eux. L’opération sera alors susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés.
 
En revanche, s’ils optent pour une cession sans répartition du prix de vente, deux possibilités se présentent à eux.
 
D’une part, le prix pourra être réemployé dans l'acquisition d'autres actifs (valeurs mobilières, droits ou titres…) eux-mêmes démembrés. Dans cette hypothèse, seul le nu-propriétaire sera imposable sur la plus-value générée.
 
D’autre part, le prix pourra être attribué en totalité à l’usufruitier dans le cadre d’un quasi-usufruit. Ce dernier sera alors seul redevable de l’impôt de plus-value.
 
S’il parait incontestable qu’en cas de répartition du prix de vente entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, seuls les frais et taxes personnellement acquittés par le redevable de l’impôt peuvent être pris en compte pour le calcul de la plus-value, la question était ouverte dans les deux autres hypothèses.
 
Portée de la solution
 
Par cet arrêt, le Conseil d’état permet au nu-propriétaire de déduire les frais acquittés par l’usufruitier dans l’hypothèse d’un report du démembrement.
 
Cette solution semble pouvoir être transposée à l’usufruitier, lorsque ce dernier est le seul redevable de l’impôt : lorsque le prix de vente des titres est attribué à ce dernier dans le cadre d’un quasi-usufruit. Ainsi, l’usufruitier devrait pouvoir déduire l’ensemble des droits acquittés lors du démembrement de propriété.
 
Enfin, cette solution rendue à l’occasion d’un usufruit acquis à titre gratuit, devrait pourvoir être transposée dans l’hypothèse d’un usufruit acquis à titre onéreux.
 
L’intérêt fiscal de la donation avant cession renforcé
 
L’opération de donation avant cession a un intérêt fiscal certain : la cession étant réalisée peu après la donation, pour un prix égal à la valeur du bien au jour de la donation, la plus-value imposable au nom des donataires est nulle. L’opération permet donc de substituer à l’impôt sur les plus-values, les droits de mutation à titre gratuit.
 
Ce mécanisme s’avère avantageux lorsque le coût des droits de mutation à titre gratuit est inférieur à celui des plus-values. Il l’est d’autant plus qu’à l’extinction de l’usufruit, le nu-propriétaire devient plein propriétaire en franchise de droit
 
Antérieurement à l’instruction fiscale du 13 juin 2001, la donation avant cession était particulièrement profitable car la donation de la nue-propriété des titres purgeait la plus-value sur la pleine propriété.
Néanmoins, l’instruction avait mis fin à cette possibilité : la plus-value résultant de l’usufruit était alors devenue taxable au nom du nu-propriétaire (en cas de remploi dans un actif démembré).
 
Afin que ce schéma demeure attrayant d’un point de vue fiscal, il était donc nécessaire que le nu-propriétaire, lorsqu’il est seul redevable de l’impôt sur la plus-value résultant de la cession de l’usufruit, puisse déduire les frais acquittés par l’usufruitier.
 
Il devenait donc souhaitable que le Conseil d’état tranche cette question. Accueillant favorablement la demande des nus propriétaires, la Haute juridiction administrative a ainsi renforcé l’attrait de la donation avant cession.
 
Source : Actualités du droit